Christelle Lheureux

Salut Christelle,

A propos de ta vidéo projetée à Manifesto.
Une version post-atomique de l'Invention de Morel, où des spectres translucides et silencieux semblent flotter dans un plateau télé coupé du monde.

Il y a tout de même quelque chose d'inquiétant à voir que la figure dominante dans beaucoup de films et vidéos contemporains est une silhouette translucide et silencieuse, hiératique, suspendu dans des espaces déserts et déshumanisés: Comme un monde au bord de l'extinction (de voix, en tous cas). Un monde en train de se dissoudre dans un long fondu vers un grand vide blanc.

Des créatures glamours qui semblent avoir un passeport hertzien bien plus qu'une quelconque nationalité terrestre ; Le plateau de télé comme une île isolée du monde, habité par des êtres irréels; un monde entièrement baigné dans une lumière artificielle, où des êtres evanescents attendent patiemment qu'on les "allume". Et rien de l'extérieur ne pénètre dans ce monde clos, pas le moindre rayon de soleil; seul le vent s'engouffre à travers le vide de ce temple abandonné.

Et curieusement, on a presque pitié de ces créatures, qui semblent victimes d'un mauvais sort, d'une sorte d'étrange malédiction.

Question : que font les présentateur de télé quand ils ne sont pas à l'antenne?
Réponse : ils flottent sur le plateau en attendant qu'on leur rende l'antenne.

C'est un beau moment : l'attente que quelque chose prenne vie, que quelque chose enfin s'anime. On imagine facilement le moment du direct, où un sourire apparaîtra instantannément sur leur visage, et où ils se mettront à pousser de grands cris enthousiastes et émerveillés, et que toutes ces ampoules et cette structure auront enfin un sens, avant de retomber à nouveau dans leur attente spectrale de la lumière.
Et on imagine cette attente se prolonger, quand il n'y aura plus de télé, , plus de spectateurs, plus de monde à l'extérieur, mais qu'ils n'en sauront rien, et qu'ils seront toujours là, comme les génies de la lampe, leur micro à la main, prêts à s'animer dès que la lumière rouge s'allumera à nouveau sur les caméras. Ils semblent incapables d'exister ailleurs.
Ils continuent à échanger des regards légèrement anxieux, à replacer leurs mèches, alors que tout à l'extérieur a disparu depuis longtemps.

Et ton film produit donc cette impression curieuse de s'être retourné comme Orphée, et d'avoir vu ce que l'on n'aurait pas dû voir : ce qu'il y a à l'intérieur de la télé quand elle n'est pas allumée; des spectres lisses, enfermés à tout jamais sous les sunlight, à l'écart de la lumière du jour, dans une boîte scintillante aux couleurs vives.

Voilà. J'espère que tout ça n'est pas trop du charabia. (Mais bon, j'ai une angine...)
Je trouve que le film a du sens, et qu'il est à la fois beau et touchant. Il poétise le vide et le clinquant de la télévision.
Bingo!

@ bientôt,

Olivier Forest
 
 

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