Christelle Lheureux |
Bingo Show Pour produire les images habitables de son cinéma d'exposition, Christelle lHuereux explore les structures narratives et les couches potentielles de récits contenues dans ses films. Elle délègue la définition du scénario ou des dialogues à d'autres - artiste, architecte, spectateur devenant "hyperspectateur" ou quasi auteur -, dans une dimension collaborative de construction collective de l'image. Pour Bingo Show, Christelle Lheureux filme le moment d'attente précédant l'enregistrement en direct d'une emission de télé. Les présentateurs, effigie vide de vie, sont en stand-by. Chaque ligne du sinopsis vaut pour un plan : F.T.V. l’équivalent de France Télévision à Sarajevo. Le plateau de télévision de la loterie nationale. Les animateurs sont prêts, ils attendent le direct. Le décor en lumière noire s’anime. Le temps et les boules de loterie restent en suspension. Vent, fumigènes, crissements halogènes. Les faiseaux des poursuites cherchent leurs trajectoires. La station et ses habitants attendent leur transmission. Ces présentateurs sans voix sans sourires sont hors programme. Ils flottent dans un temps qui n’a plus de grille. Le montage génère une tragédie muette, recouverte par le bruit improbable du vent venu s'insinuer dans le désert de ce tableau vivant. Des liens narratifs se construisent entre les personnages d'un moment irrésolu, dans le hors-champ de la fabrique de l'infotainement. Hors du monde, dans un temps circulaire, le plateau de télévision est bien cette caverne de lumière noire, où des automates attendent un signal pour s'animer dans un espace spectaculaire normé, froid, au style international. Mieux qu'un retardement perpétuel du spectacle, l'anti-spectaculaire du spectacle. Pascal Beausse (catalogue de l'exposition "Propaganda", Espace Paul Ricard, Paris, 2003) :
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