Christelle Lheureux
 

Christelle LHEUREUX

Musée d’art moderne et contemporain (Mamco), Genève
Exposition du 26 octobre au 15 janvier 2006

et

Galerie Blancpain Stepczynski, Genève
Exposition du 5 novembre 2005 au 21 janvier 2006



La démarche de l’artiste française Christelle Lheureux (née en 1972; vit et travaille à Paris) révèle un intérêt soutenu pour les conventions du cinéma, tant d’un point de vue formel – son dispositif, son montage et sa présentation – que sémantique – ses origines, son histoire, sa construction narrative et ses « acteurs », au sens large du terme. En témoignent les deux expositions qui lui sont simultanément consacrées à Genève.
La première, Wonderbox, est une proposition du Centre pour l’image contemporaine au Mamco, dans le cadre de la 11e Biennale de l’Image en Mouvement (BIM). Dans une salle obscure est présentée l’une des dernières créations de l’artiste, Ghost of Asia (films, DVD, 9min.15, 2005), réalisée en collaboration avec Apichatpong Weerasethakul . Elle consiste en une double projection offrant, face à face, les images d’enfants enjoués débitant une série d’injonctions, et celles d’un jeune homme qui vaque à des activités courantes (se reposer, manger, prendre une douche…), comme s’il semblait se conformer à ces mots d’ordre. Cette installation, qui s’inscrit dans le Projet Tsunami  du Festival International du film de Bangkok, provient de la croyance bouddhiste selon laquelle les milliers de victimes du tsunami de décembre 2004 errent désormais en fantômes sur les plages. Le protagoniste sert ici de surface de projection à la fantaisie des enfants, comme si leurs paroles – hors champ – possédaient des vertus incantatoires sur l’image située en vis-à-vis.
La valeur performative de la parole – véritable amorce de cette improvisation narrative – est également au coeur de L’expérience préhistorique (2003-2005) que Christelle Lheureux expose à la galerie Blancpain Stepczynski . Cette installation s’inspire de la bande sonore des Sœurs de Gion (1936), film du réalisateur japonais Kenji Mizoguchi, dont l’artiste a fait le long-métrage muet (film, DVD, 1h20). La projection murale de ce film s’accompagne de plusieurs moniteurs auxquels sont reliés des casques audio. Chaque écran diffuse l’une des performances que des personnalités  ont, à la demande de l’artiste, effectuées à partir de son film. L’« expérience » consiste donc en l’articulation de scénarios inédits autour d’une histoire originelle – sorte de « préhistoire » à toutes les histoires – qui se répète, mais dont la mise en scène génère une narration constamment reconduite, tel un palimpseste.


Eveline Notter
à paraître dans EXIT Express n°16 (magazine espagnol), décembre 2005, p 27.

1-Réalisateur thaïlandais (né en 1970; vit et travaille à Bangkok), dont la filmographie comprend, entre autres, Blissfully Yours (2002) et Tropical Malady (2004).
2-« La seule consigne a été de ne pas créer un second tsunami, de ne pas répéter le traumatisme. Sinon les réalisateurs ont été totalement libres. » (propos de Victor Silakong, directeur du festival)
3-Exposition qui inclut les travaux de Pascal Danz et de Didier Marcel.
4-Entre autres, Midori Sawato, l’une des dernières « benshi » (commentatrice de film muet au Japon) qui inventa en direct un récit du film, contrairement à la tradition jadis en vigueur.



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